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L’ANALGESIE ENDOVEINEUSE à la CHLOROPROCAINE
Le BLOC AXILLAIRE par voie TRANSARTERIELLE

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ANALGESIE ENDOVEINEUSE à la CHLOROPROCAINE

Cas clinique vécu
Quatre techniques d’AVR
Matériel à utiliser
Les drogues
Les seringues
Les doses
Comment procéder ?
Indications
Contre-indications
Avantages
Inconvénients
Effets secondaires et complications
Trucs à connaître
Coûts

L’analgésie endoveineuse ou« Anesthésie Veineuse Régionale » ( AVR) consiste à injecter un anesthésique local dans la veine d’un membre et retenu par un garrot. L’AVR peut s’utiliser pour la majorité des opérations de la main, de l’avant-bras, du coude et du pied.

Les techniques d’AVR décrites ci-dessous sont basées sur une expérience de 3.000 cas par an depuis plus de vingt ans !

Cas clinique vécu :

Un homme de 60 ans,130 kg, se présente à 23h00 avec un abcès de la main. Il n’est pas à jeun, est gros fumeur, a d’autres co-morbidités (HTA, Obésité, Apnée du sommeil,…). Le chirurgien déjà présent veut faire incision-lavage-drainage et il a un gros programme le lendemain. La salle d’opération et l’équipe sont prêtes. L’anesthésiste est seul. La salle de réveil est fermée jusqu’au lendemain matin.
Quelle technique choisir ? J’ai choisi l’AVR avec deux garrots sur le bras qui permet d’en mettre un troisième stérile sur l’avant-bras en cours d’intervention si celle-ci se prolonge. Après gonflement du garrot proximal, j'ai donc injecté en intraveineux: 120 cc de chloroprocaine 0,5 % + 30 mg Toradol + Bicarbonate (voir "Les doses" ci-dessous). Après 20 minutes, j'ai gonflé le garrot distal sur le bras (et dégonflé le garrot proximal). Un troisième garrot sur l'avant-bras n'a pas été nécessaire. A minuit, l'intervention était terminée. Le patient est sorti une demi-heure après et a été convoqué le lendemain pour un changement de pansement..
Contrairement aux idées reçues, une technique locorégionale est tout à fait indiquée pour les infections, soit l’AVR, soit le bloc axillaire par voie transartérielle (voir plus loin).

Quatre techniques d’AVR sont possibles avec le même matériel:

  1. La mini-technique : un seul garrot sur l’avant-bras
  2. La technique à deux garrots séparés : un sur le bras, un sur l’avant-bras
  3. La technique à deux garrots sur le bras
  4. La technique à deux garrots sur le mollet

                      

Matériel à utiliser
 (voir fournisseurs plus loin):

  1. Les Garrots doivent être de très bonne qualité : un de calibre moyen proximal pour le bras (lacets rouges, 46 cm) et un plus petit plus distal pour l’avant-bras ou le bras (lacets jaunes, 35 cm).
  2. Un robinet à deux voies de très bonne qualité, comme la mollette métallique Braem
  3. Un manomètre standard
  4. Une bande d’Esmarch
  5. Un cathéter intraveineux du côté à opérer, parfois un du côté opposé (22 G le plus souvent sur le dos de la main ; parfois, 24 G sur le dos du pied).

Les drogues suivantes sont injectées :

  1. La chloroprocaine 0,5 % comme anesthésique local
  2. Le bicarbonate pour éviter l’inconfort du début d’injection et pour améliorer l’action de l’anesthésique local
  3. Le Toradol comme antalgique postopératoire

Les seringues s’injectent dans l’ordre suivant :

  1. Une de 25 cc: chloroprocaïne 0,5 % 20 cc + Bicarbonate 8,4 % 5 cc
  2. Une de 21 cc : chloroprocaïne 0,5 % 20 cc + Toradol 1 cc (30 mg)
  3. Les suivantes de 20 cc à la chloroprocaïne pure

Les doses de chloroprocaine 0,5 % sont les suivantes :

  1. La mini-AVR: de 0,5 cc à 1 cc par kg de poids (2,5 mg à 5 mg par kg)
  2. L’AVR à deux garrots sur le membre supérieur : de 1 cc à 1,3 cc par kg de poids (de 5 mg à 6,5 mg par kg).
  3. Les doses les plus élevées sont recommandées pour les infections !
  4. Pour les AVR du pied, jusqu’à 80 cc chez l’adulte.

Comment procéder ?

Préparation :

  1. Mise en place du tensiomètre et de l’oxymètre du côté opposé
  2. Vérification du manomètre : Pression de 100 mm Hg au-dessus de la TA systolique
  3. Cathéter intraveineux. Un premier est posé du côté à opérer ; un deuxième de l’autre côté pour les techniques à deux garrots (opération plus longue)
  4. Explication de la technique au patient et sédation intraveineuse s’il en a besoin (midazolam ou propofol)

AVR proprement dite :

  1. Premier garrot. Un garrot est posé sur l’avant-bras (mini-AVR) à une distance minimale de trois travers de doigt de l’articulation du coude ; ou sur le bras (AVR)
  2. Mise en place énergique de la bande d’Esmarch (photo 8) jusqu’au garrot, le bras en position verticale (ou la jambe à 45 °). Pour les lésions très douloureuses, le bras peut-être laissé en position verticale pendant deux minutes sans utilisation de la bande ou avec la bande en commençant sous la lésion !

  3. Gonflement du garrot proximal (AVR) ou du garrot unique (mini-AVR) à une pression minimale de 100 mm Hg au-dessus de la TA systolique
  4. Injection. Le bras est posé sur une table dans une position confortable. Prévenir le patient qu’il va sentir trois choses par ordre chronologique: une légère brûlure suivie d’un refroidissement, des picotements, un engourdissement « comme du bois ». Puis, l’injection est faite aux doses décrites ci-dessus. En fin d’injection, le cathéter est retiré. Comprimer au point de ponction.
  5. Deuxième garrot. Posé sur le bras après l’injection et accolé distalement au premier, pour les opérations du coude et de l’avant-bras. Ou posé sur l’avant-bras pour les opérations de la main et du poignet.

Opération :

  1. Désinfection
  2. Opération. Pour les techniques à deux garrots, il faut en général gonfler le garrot distal après 30 à 45 minutes selon la tolérance du patient puis dégonfler le garrot proximal.
  3. Prévenir le patient qu’il va avoir des sensations bizarres à cause du changement de garrot (picotements dans la main).
  4. Fin d’intervention : lâchage du garrot distal. Pour les opérations très courtes sous mini-AVR, le temps minimum théorique avant lâchage est de 20 minutes, pour les anesthésiques locaux de type amide (lidocaïne). Par contre, pour un ester comme la chloroprocaïne, sous contrôle de la TA et du pouls, le garrot peut être lâché après une dizaine de minutes.

Indications :

  1. Pour les mini-AVR : toutes les opérations de la main et du poignet de moins de 45 minutes.
  2. Pour les AVR du pied : toutes les opérations de moins de 60 minutes.
  3. Pour les AVR à deux garrots sur le membre supérieur : toutes les opérations de moins de 90 minutes.
  4. Contrairement aux idées reçues, l’AVR est une très bonne technique pour les infections à la condition d’utiliser les doses les plus élevées.
  5. Pédiatrie : AVR très bien supportée à partir de 6 ans. Précautions : mettre de la crème anesthésiante sur les deux mains (EMLA) et bien expliquer la procédure.

Contre-indications :

  1. Absolue : Si allergie au Toradol, faire l’AVR avec seulement chloroprocaïne et bicarbonate.
  2. Relative : Allergie aux anesthésiques locaux : jamais d’allergie grave rencontrée au cours d’AVR à la chloroprocaïne (plusieurs dizaines de milliers de cas !) ; rares cas de marbrures sur le bras injecté disparaissant rapidement. Psychologique : à discuter avec le patient.
  3. Théorique : déficience en estérase plasmatique. Dans notre pratique, le membre s’est toujours réveillé en quelques minutes.

Avantages :

  1. L’anesthésiste peut travailler seul, sans aide, sans salle d’induction.
  2. Le patient ne doit pas être à jeûn.
  3. Peut être utilisée en présence d’antiaggrégants (Aspirine, Clopidogrel)
  4. Temps d’apprentissage très court.
  5. Grande rapidité d’exécution.
  6. Taux de réussite très élevé mais tous les détails sont importants.
  7. Taux de satisfaction des patients très élevé.
  8. Rapidité de « réveil » du membre et sortie du patient de l’Hôpital 30 minutes après l’opération vu la métabolisation ultra-rapide de la chloroprocaïne par les estérases sanguines (demi-vie : 2 à 3 minutes).
  9. Coût très bas (voir plus loin)
  10. Mode d’action par diffusion, donc absence de lésion tissulaire hormis un petit hématome au point de ponction.

Inconvénients :

  1. Durée d’intervention limitée par le garrot. Si opération plus longue que prévu, donner propofol à faibles doses en continu.
  2. Tolérance au garrot variable. Mais, la plupart des enfants peuvent le supporter sans sédation !
  3. Picotements désagréables au lâchage de garrot (« débattue ») pendant 15 à 20 minutes.
  4. Dans certains pays, la chloroprocaïne n’est malheureusement pas enregistrée pour l’usage intraveineux.

Effets secondaires et complications :

  1. Vertiges très transitoires (1 à 2 minutes) avec augmentation modérée de la fréquence cardiaque au moment de l’injection : rares (dû au passage de la chloroprocaïne dans la circulation générale : garrot mal serré ou passage par les veines osseuses). Il ne faut rien faire si ce n’est rassurer le patient ! Au lâchage de garrot : très rares.
  2. Malaise vagal banal (rare) avec bradycardie dû à l’appréhension ou à l’inconfort du garrot. Injecter de suite 0,5 mg d’atropine en IV ; avoir une 2ème dose prête. Rassurer le patient.
  3. Théorique : tremblements ou convulsions : jamais observé !

Trucs à connaître et à respecter pour un taux de réussite optimal :

  1. Cathéter intraveineux : pour une AVR à deux garrots, le cathéter peut être mis dans le pli du coude, s’il n’y a pas d’autre option. En effet, les valves veineuses ne représentant pas un obstacle significatif, l’anesthésique va à contre-courant vers la main !
  2. Garrots de très bonne qualité et très bien serrés, càd tirer fort sur les lacets dans un sens et tirer fort sur le velcro dans l’autre sens au moment du serrage.
  3. Garrot stérile : pour les AVR avec deux garrots sur le bras, un 3ème garrot, stérile, peut être placé sur l’avant-bras si l’opération dure plus longtemps que prévu.
  4. Prévenir le chirurgien qu’à l’incision de la peau, un petite injection sous-cutanée d’anesthésique local peut être nécessaire (peau épaisse).
  5. Obèses : injecter d’abord une dose correspondant au poids sec, puis évaluer l’analgésie avant de réinjecter.

Où acheter et combien ça coûte ?

  1. Garrots non-stériles : VBM manchette simple avec ballon en silicone, bras moyen (35 cm, 14 in) : 112,85 francs suisses ; gros calibre (46 cm, 18 in) : 145.53 francs suisses. Vendu par Laubscher (www.laubscher.ch). E-Mail : info@laubscher.ch.
  2. Garrot stérile : VBM Brassard simple Dispo Cuff, stérile, bras (46 cm) : 17,82 francs suisses (www.laubscher.ch). E-Mail : info@laubscher.ch
  3. Molettes à deux voies : 190 francs suisses. Vendu par H.P. Braem AG, article n° 100600. Contact direct : -41-71 866 1933 (ga@hpbraem.ch)
  4. Chloroprocaïne 0,5 % (Ivracain) 5 amp x 20 ml : 26 francs suisses. Vendu par Sintetica S.A. (www.sintetica.com). E-Mail : info@sintetica.com.

Référence :

Van Zundert A. et al . Centennial of Intravenous Regional Anesthesia. Bier’s Block (1908-2008). Reg Anesth Pain Med 2008 ; 33 : 483-489.